Une trompe de chasse, un cor de chasse . . . . .
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(Photo : Jacques Ballériaux) |
Différentes peintures et gravures très anciennes nous montrent que de simples cornes évidées ont longtemps été utilisées à la chasse. Il faudra attendre le seizième siècle et profiter des développements de la métallurgie avant que soit techniquement possible la fabrication d'instruments de plus grande longueur. Ceux-ci offriront enfin une tessiture plus importante, digne d'un véritable instrument de musique. La longueur exacte de l’instrument, le diamètre du tube et bien d’autres caractéristiques n’ont ensuite cessé de varier au cours des siècles qui ont suivi en nous laissant une incroyable variété d’instruments de registres et de timbres différents.
Cor exposé au musée des instruments de musique de Vienne
La forme actuelle de l’instrument, constitué d’un tube métallique de plus de 4 m de longueur enroulé sur lui-même en plusieurs tours et se terminant par un pavillon évasé, est néanmoins très ancienne elle-aussi puisque ce serait sous Louis XV (1710-1774) que la longueur de 4 m 545 s’est généralisée (ton en ré). Il semble que ce soit également au début du dix-huitième siècle que l'appellation ''trompe'' ait été progressivement réservée à l'instrument de vénerie, pour le différencier du ''cor'' qui, lui, ne sonne pas en ré !Même après cette date, il a encore subsisté plusieurs instruments, musicalement identiques mais qui différaient par le diamètre de l’enroulement. C’est finalement la mode vestimentaire des chasseurs qui a été déterminante ! En effet, la trompe, lorsqu’elle n’est pas utilisée, est portée en bandoulière en passant la tête et un bras en son centre de sorte que l’abandon des chapeaux à larges bords, parfois même emplumés, à permis d’utiliser des trompes enroulées sur un plus petit diamètre. Entre la « Dampierre »(4 m 545, enroulée sur 1 tour et demi de 73 cm de diamètre), la « Dauphine »(même longueur mais enroulée sur 2 tours et demi de 55 cm de diamètre) et la « d’Orléans »(même longueur et enroulée cette fois sur 3 tours et demi de 37 cm de diamètre), c’est finalement cette dernière qui a traversé les âges jusqu’à nos jours.
Sa forme actuelle daterait de 1818.
Pour sonner la trompe, on utilise un embout beaucoup plus creux que ceux habituellement utilisés sur les autres cuivres. De plus, ses bords sont relativement minces afin, notamment, de faciliter la tenue en place de l'embout sur les lèvres d'un cavalier parfois lancé au galop.
L'embout doit être choisi avec soin afin de s'adapter, non seulement à la morphologie des lèvres du sonneur mais aussi au registre musical choisi. En effet, c'est le même insrument qui est utilisé pour couvrir toute la tessiture de la trompe, que l'on sonne en chant, en seconde ou en basse, que l'on sonne en forté ou en "radouci" mais les caractéristiques de l'embout, forme et dimensions, permettront d'atteindre avec plus de facilité et de confort, soit les notes graves, soit les notes aigües.
Ecoutons les témoins de l'époque !
Gaston Phoebus (1331-1391), Comte de Foix, dans son très célèbre ouvrage enluminé ‘’Le livre de la chasse’’, nous conte comment on doit huer et corner :Troublant le silence de la forêt, la chasse aux ordres du piqueur égrène sa longue suite d’appels rauques de cornes et de huchets à l’adresse des veneurs; des cris de ralliement et d’encouragements que les valets dispensent à la meute. Si celle-ci s’est fourvoyée sur une piste, aussitôt la corne retentit pour en regrouper les éléments les plus turbulents et, par deux longues notes, les relancer aux trousses du gibier dont on vient de découvrir la voie. Par la suite, trois longues sonneries avertiront les poursuivants que la piste est bonne, alors que deux seules reconnaîtront que le gibier a réussi à semer les chiens hors des limites du territoire de chasse. La prise ou la mort de la bête se sonne par une longue note suivie de plusieurs brèves et, le soir, lorsque s’annonce le crépuscule, les hommes et chiens fatigués sont rassemblés par les trois longues notes de la retraite…...Il ne s'agissait donc nullement de musique, à l'époque de Gaston Phoebus, mais bien d'un langage codé assez simple que l'on peut comparer au MORSE utilisé jadis par les marins. Les instruments utilisés n'étaient d'ailleurs que des cornes évidées qui ne permettaient guère de différencier les notes autrement que par leur longueur.
Ce n'est que beaucoup plus tard que le répertoire s'est enrichi. Il a pris progressivement un caractère plus musical, plus expressif, grâce, notamment, à l'évolution de l'instrument lui-même. Plus tard encore, au dix-huitième siècle, les grandes chasses royales françaises ont donné à la trompe ses véritables lettres de noblesse et le fait que Louis XIV et Louis XV aient été, eux-mêmes, d'excellents sonneurs n'y est certainement pas étranger. L'aura de la trompe a séduit différents compositeurs et la trompe, qui n'était au départ qu'un moyen de communication entre chasseurs, s'est ainsi vue confirmer son statut d'instrument de musique à part entière. Si l'on en croit les témoins de l'époque, l'évolution du répertoire semble importante puisqu'au début du dix-neuvième siècle, Alfred de Vigny (1797-1863), dans son poème "Le cor" nous confie avoir été ému jusqu'aux larmes :J'aime le son du cor, le soir au fond des bois,Encore à l'heure actuelle, la majeure partie du répertoire de la trompe de chasse nous vient directement des grandes chasses royales françaises du XVIIIième siècle. A la chasse, la trompe reprend son rôle premier et reste plus un moyen de communication entre chasseurs qu’un instrument de musique ; le répertoire de chasse est autant de phrases musicales codées, chacune ayant une signification précise, permettant à l’ensemble de l’équipage ainsi qu’à ses invités de suivre le déroulement d’une chasse parfois perdue de vue.
Soit qu'il chante les pleurs de la biche aux abois,
Ou l'adieu du chasseur que le faible écho accueille...
....
Que de fois, seul, dans l'ombre, à minuit demeuré
J'ai souri de l'entendre et plus souvent pleuré...On trouve donc dans le répertoire de base, toute une série de fanfares identifiant l’animal chassé (une fanfare par animal) ou décrivant les principales phases de la chasse (depuis le départ pour la chasse jusqu’à la rentrée au château). Ces fanfares, qu’un cavalier, parfois lancé au galop, doit pouvoir sonner seul, sont donc souvent assez courtes.
Les qualités musicales de l’instrument ont néanmoins rapidement encouragé l’écriture de nombreuses partitions de fantaisies, musicalement plus élaborées, et qui, vu leurs exigences, se sonnent exclusivement en groupe.C’est ce répertoire, fait de fanfares de chasse autant que de fantaisies, que nous vous proposons.
Et si le sujet vous intéresse, nous vous suggérons quelques liens vers des sites qui complètent ou développent l'information ci-dessus. Nous vous en souhaitons bonne lecture !
Couesnon (fabricant de trompes)
Présentation du livre de la chasse de Gaston PHOEBUS : un ouvrage véritablement
historique au graphisme exceptionnel !